L’année 2023 d’ASI vue par Arno Bertina
L‘année 2023 a marqué un tournant dans l’histoire d’ASI, avec la création de deux nouvelles antennes, dont celle de Libreville, au Gabon.
Mais ce processus est piloté avec une grande prudence. Ces précautions sont dans l’ADN de l’ONG car il s’agit de secourir et non de grossir.
Une ONG paillettes ne prendrait pas ces précautions, et comme la grenouille elle voudrait se voir bien vite aussi grosse que le bœuf.
Avec le résultat que l’on connait : dans la fable, la grenouille éclate. Pour ASI, il s’agit de sauver des jeunes femmes et non de devenir « un interlocuteur privilégié ».
J’admire cette modestie du conseil d’administration et des équipes d’ASI sur le terrain, qui auraient pu se lancer il y a quelques années déjà, tels des joueurs de poker, à la « conquête » d’autres pays. Au contraire, ASI a fait le choix des gestes précis et des rythmes lents.
Pour les infirmières, les formatrices et les formateurs, il ne s’agit pas d’exiger des bénéficiaires qu’elles coupent du jour au lendemain avec la prostitution.
ASI fait le pari du temps long, des transitions douces mais irréversibles : au bout d’un processus de plus de deux ans, les jeunes femmes s’avèrent autonomes financièrement, et n’ont plus besoin de la prostitution pour survivre.
Autre rythme lent : assoir une expertise, des savoir- faire, pour que les équipes de Pointe Noire et Brazzaville soient en mesure de former les soignants qui interviendront à Dolisie, à Libreville, de façon à ce que ces nouvelles antennes ne soient pas un feu de paille, qu’elles s’implantent durablement et puissent sauver chaque année des dizaines de très jeunes femmes.
La devise d’ASI ne promettait pas autre chose que cette humilité et ces précautions. « Devenir inutile » est une devise paradoxale mais prometteuse.
Par narcissisme, beaucoup de personnes ou d’organisations désirent se rendre nécessaires. Le but d’ASI est au contraire d’aider les jeunes femmes à devenir les pilotes de leur propre vie, en leur donnant les outils, les réflexes et l’orgueil de l’autonomie financière, émotionnelle, intellectuelle.
Arno Bertina, né en 1975, est un écrivain et collaborateur de la revue « Inculte », ayant étudié des auteurs contemporains et produit de nombreuses fictions radiophoniques. Entre 2014 et 2017, il a réalisé cinq voyages en République du Congo, à Pointe-Noire et Brazzaville, pour animer des ateliers d’écriture avec ASI et rencontrer une soixantaine de jeunes filles mineures impliquées dans la vie nocturne.